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Anne Le Gall, co-fondatrice et déléguée générale du TMNlab, a piloté ce projet et nous en parle.
N.4
Le Projet Cunuco Lab : quelles évolutions des compétences pour le spectacle vivant à l’ère du numérique ?
Les ICC représentent, en effet, 2,3% du produit intérieur brut (PIB), soit l’équivalent de l’industrie agroalimentaire et deux fois plus que l’industrie automobile.
Avec 150 000 entreprises, les ICC emploient directement 640 000 personnes et 1,3 million indirectement. Elles affichent une croissance annuelle de 7 % en moyenne et contribuent significativement au commerce extérieur. Elles incarnent l’excellence française, renforçant notre influence à l’international.
Or, les ICC vivent une mutation majeure, car l’ère numérique transforme non seulement les pratiques culturelles mais aussi les modalités de création, de production et de diffusion. Le caractère fragmenté de leur écosystème, dominé par de petites structures, pose, en outre, des défis en matière de financement de l’innovation, de définition de stratégies robustes et d’évolution des compétences.
Publié début 2024, le rapport Cunuco Lab (le co-lab des cultures numériques) établit un diagnostic de la transition hors norme de ce secteur, en zoomant sur le spectacle vivant, l’art numérique, la création hybride et la webcréation.
Lauréat de l’Appel à Manifestation d’Intérêt Compétences et Métiers d’Avenir dans le cadre de France 2030, il a été porté par le TMNlab en partenariat avec le réseau HACNUM et la Guilde des vidéastes.
Cet article retrace, à travers notre échange avec Anne Le Gall, les grandes lignes de ce rapport et les pistes d’accompagnement des artistes et des structures culturelles dans cette évolution profonde de leurs métiers.
Comment est né le projet Cunuco Lab ?
L’objectif, in fine, était de combler les lacunes en matière de formation numérique, en offrant des outils pratiques et une méthodologie adaptée aux besoins actuels et futurs des professionnels qui accompagnent la création et la diffusion.
Quelles sont les principaux constats et les conclusions du diagnostic ?
L’étude a aussi acté la « plateformisation » de la culture avec l’adoption générale des plateformes numériques et son lot d’enjeux et d’iniquités en matière de rémunération des artistes et de risques pour la protection des droits d’auteurs. Ces transformations changent les modes de production et de diffusion, au prix, souvent, d’importants investissements technologiques.
Ce contexte mouvant met à l’épreuve la stabilité des modèles économiques des structures du secteur culturel, d’autant que l’accès aux subventions publiques se durcit et que les créations hybrides et numériques peinent à trouver des modèles viables sans soutien public. En même temps, ces défis encouragent des formes de collaborations inédites et ouvrent la possibilité à des nouvelles expérimentations.
L’étude conclut sur l’importance de rendre le secteur culturel plus agile par le numérique afin de faire face à cette instabilité et à la fragilité des modèles émergents.
L’agilité numérique peut s’acquérir par la formation, à condition de ne pas se contenter de former techniquement aux outils numériques. De fait, dans le monde du digital, les compétences techniques sont obsolètes au bout de deux ans, nous a confié, Orianne Ledroit, directrice générale d’Ed Tech France, le réseau d’entreprises qui développent des solutions technologiques dans le secteur de l’éducation. Aussi, il est essentiel d’avoir un regard plus large, plus systémique, plus stratégique des transformations numériques, au risque de se retrouver sans cesse à courir derrière les évolutions du secteur.
L’enjeu de formation se place donc de façon cruciale au niveau managérial, au sein des directions des établissements culturels, mais aussi des institutions publiques qui élaborent les politiques culturelles, afin de mieux naviguer dans cet écosystème : penser la transformation des métiers de façon globale et non métier par métier, travailler une compétence de façon transversale (par exemple, les données ne concernent pas uniquement le service marketing), anticiper les besoins en compétences, maîtriser les aspects juridiques et financiers, etc.
Nous avons ainsi identifié les besoins en compétences numériques suivants :
- Littératie numérique : comprendre et utiliser les technologies numériques au service du projet culturel est essentielle pour tous les professionnels, et non seulement pour les techniciens.
- Management agile : former les directions d’établissements à une gestion agile est crucial pour la réussite de la transition numérique.
- Adaptabilité dans un contexte de transitions : donner aux professionnels les moyens pour s’adapter rapidement et efficacement aux nouvelles technologies et pratiques, notamment au regard des pratiques de publics et de l’impact sociétal du numérique.
Les résultats du diagnostic soulignent enfin, et c’est le deuxième grand enseignement de l’étude, un besoin urgent de repenser les politiques de formation et la manière d’apprendre. Notre enquête a, en effet, mis en lumière des insuffisances liées aux méthodes et modalités de formation et à une vision de long terme du parcours formatif :
- Le besoin de diversité et d’une granularité différenciée des formats de formation : offrir des formations adaptées aux différents niveaux de compétence et aux spécificités des contenus et des profils formés.
- La nécessité de revoir les modalités d’accès aux formations : il apparait nécessaire de faciliter davantage l’accès à la formation par des mécanismes de financement adaptés aux besoins et des structures et des individus (alors que le système actuel de financement de la formation se focalise essentiellement sur les besoins individuels sans réel concertation avec les organisations qui les emploient).
- L’importance d’assurer une gestion des compétences tout au long de la carrière : assurer une formation continue et adaptée à l’évolution des métiers, notamment par le biais de formations continues et flexibles, de micro-certifications, du parrainage et d’apprentissages de pair à pair, qui se sont révélés être parmi les modalités de formation les plus utilisées, mais qui restent peu structurées, et par conséquence, pas assez transformatrices.
Nous espérons, avec ce diagnostic, avoir convaincu le secteur de la culture et de la formation de la nécessité de reprendre la main sur la transformation du secteur en produisant de nouvelles stratégies au sein des structures culturelles et des politiques publiques, ainsi que de nouveaux formats d’apprentissage, de financement des formations et de modalités de certification d’évaluation.
Que retenez-vous de notre accompagnement ?
Le travail de .D Business Design s’est principalement concentré sur la structuration de la méthodologie, la réalisation des enquêtes qualitatives et quantitatives, l’analyse et la mise en récit des données collectées en collaboration avec Chrystèle Bazin, qui a donné « voix » aux chiffres.
.D Business Design a structuré la méthode et offert un regard extérieur lors des prises de décisions et d’arbitrage des choix stratégiques, ce qui nous a permis de prendre de la hauteur et de dépasser les limites de la connaissance interne des réseaux culturels.
L’accompagnement a permis de rassurer, mais aussi de bousculer l’équipe, apportant une grille analytique précieuse pour l’ensemble des contenus et des réunions. Cette synergie a facilité la réalisation des objectifs du projet, mais a également créé un cercle de confiance et une collaboration fructueuse.
Nous avons suivi une approche par faisceau d’indices et de données, qualitatifs et quantitatifs, qui, par leur convergence ont permis d’accréditer les constats reportés dans ce rapport.
Pour résumer, Cunuco Lab est le résultat de :
- Un très vaste travail d’analyse documentaire
- 40 entretiens aux « Grands Témoins » identifiés par les 3 réseaux lauréats du projet
- Une enquête terrain « flash » (entre 86 et 109 réponses en fonction des questions)
- L’analyse des données fournies par l’AFDAS pour le spectacle vivant, l’audiovisuel et les Artistes et Auteurs (source CGS à partir de la base ESF 2021)
- Le recensement de l’offre de formation initiale réalisé par Mathilde Nourisson-Moncey, doctorante à l’Université d’Aix Marseille, actualisé par HACNUM (2021 et 2022).
Un travail collectif et étendu qui a posé les bases pour un diagnostic très robuste.
Les prochaines étapes : passer à la phase opérationnelle
Le projet continuera à faciliter la création de liens et de communautés apprenantes, ainsi qu’à produire des contenus et de l’intelligence collective.
La première étape de ce parcours a été une rencontre nationale au Théâtre Silvia Monfort, le 11 mars dernier, où les professionnels du secteur se sont rencontrés pour débattre et mettre en perspective les résultats du projet. Cette journée a été l’occasion de renforcer la communauté autour du Cunuco Lab et d’identifier de nouvelles opportunités de coopération.
Parallèlement, le diagnostic a permis de nourrir la feuille de route de l’association TMNlab : objectiver le modèle de communauté apprenante pour le développer et renforcer la granularité de ses accompagnements avec le test de programmes.
Prochainement le TMNlab lancera des formations en cohorte pour renforcer l’appropriation des sujets et l’ancrage des compétences et développer une action de plaidoyer en lien avec les associations professionnelles sectorielles et les acteurs de l’innovation. L’objectif ? Faire de notre secteur un secteur non seulement apprenant, mais également « agissant » sur ces sujets.
Anne Le Gall
… Quelques mots sur le TMNlab
Pour en savoir plus : Le TMNlab
Auteur
Gabriella Fiori
Design de services, Business Model, analyse marché, économiste.