Pourquoi les autorités publiques devraient s’intéresser à la CX ?
Quand on parle d’expérience client, on pense d’abord au secteur privé. Et pourtant il serait opportun que les opérateurs publics s’en saisissent à leur tour.
Lorsque les administrations cherchent à améliorer le design de leurs politiques publiques à l’attention des entreprises et des citoyens, elles ont tendance à considérer les dispositifs eux-mêmes au détriment des modalités opératoires et de la conception des parcours pour y accéder.
En effet, les collectivités territoriales savent déployer les moyens et les outils appropriés aux attentes des individus et des entreprises, et leur implication et leur réactivité face à la crise sanitaire en est un bel exemple. En revanche, la transition vers un système « centré client », (ou bénéficiaire), reste perfectible dans de nombreux cas.
Aussi serait-il temps de se pencher sur l’expérience client dans son ensemble, à chaque étape du parcours du citoyen lorsqu’il s’adresse aux services publics.
Les attentes des individus dans leurs interactions avec les services publics
Selon de récentes analyses menées sur le sujet, si les attentes envers les services publics peuvent différer légèrement par rapport au profil des utilisateurs (selon qu’ils soient plus au moins technophiles), trois critères de satisfaction se démarquent de manière transversale :
On constate que contre toute attente, la rapidité ne fait pas partie des trois premiers critères d’exigence transverses aux différents profils « clients », même si elle constitue toujours un élément important pour les usagers.
Toutefois, les services publics continuent de la privilégier pour la simple et bonne raison qu’elle représente un indice qui reste simple à mesurer.
En allant plus loin dans l’analyse des préférences des différents utilisateurs, on note que les « Millennials » (tout comme la génération Z), particulièrement friands du « tout » digital, valorisent la transparence, alors que leurs ainés, qui privilégient le rapport humain, seront davantage en quête de simplicité.
La fiabilité, elle, est appréciée par les deux générations de façon comparable.
Les points clés du parcours client
Nous en avons souvent parlé dans ce blog. La satisfaction client est subordonnée à l’expérience de ce dernier sur un parcours d’interactions avec les services publics : de l’acquisition d’information, à l’utilisation du service et jusqu’au suivi post utilisation (parcours client).
Or, si l’importance attribué aux différentes phases du parcours peut varier en fonction du profil des usagers, on peut néanmoins distinguer quatre moments clés dans le parcours client/ bénéficiaire du service public :
- L’acquisition de l’information : comment le service fonctionne-t-il ? Quelles sont les options possibles ?
- Le processus de soumission d’une demande, d’un projet…
- La visite et l’utilisation du service : l’expérience réelle du service…
- La réception d’une attestation, d’une notification ou d’un paiement…
Se concentrer sur le bon déroulement de ces phases clés est d’autant plus déterminant que plusieurs recherches en psychologie comportementale ont démontré que des évènements négatifs auront quatre fois plus d’impact sur le parcours client / satisfaction client que des évènements positifs.
Pourquoi les autorités publiques devraient-elles s’intéresser davantage à la CX ?
En améliorant leurs services en accord avec une expérience client positive, les autorités publiques bénéficieraient de plusieurs impacts positifs dont :
- Une confiance accrue : des clients / bénéficiaires satisfaits sont 9 fois plus confiants envers le service auquel ils se sont adressés et 9 fois plus enclins à reconnaître que ce dernier a rempli sa mission.
- Une réduction des coûts administratifs : une conception conforme aux attentes de ses usagers et l’atténuation des points de friction dans l’accès aux services diminuent les recours et autres réclamations, et améliorent les conditions de travail dans les organisations publiques.
- Une meilleure réputation : ce sont les clients mécontents qui portent préjudice à la réputation d’un service. Ceux-ci ont effectivement 2 fois plus tendance à exprimer leur insatisfaction en public.
- Une attractivité renforcée : le bon fonctionnement des services publics constitue un élément d’attractivité territoriale.
- Des collaborateurs plus épanouis : la satisfaction client produit un effet positif sur l’ambiance de travail et sur le ressenti des fonctionnaires qui perçoivent mieux le sens et la finalité de leur emploi.
Mais quels sont, alors, les freins à l’introduction d’une stratégie centrée client au sein des organisations publiques ?
Par rapport aux entreprises privées, les services publics se retrouvent confrontés à des freins intrinsèques dus à :
- Leur position… monopolistique : l’absence d’options pour les clients / usagers n’incite pas à innover et rend difficile la mise en place de priorités. D’autre part, la mission qui leur est attribuée impose de servir tous les segments d’utilisateurs sans distinction et dans les mêmes conditions d’accès aux services ce qui pousse à fournir un service uniforme, qui convient à tous.
- La difficulté d’exploiter la data : éléments incontournables de l’expérience client, les données collectées par les services sont souvent incomplètes et divisées en silos, ce qui complique la construction des parcours clients.
- La culture des services publics, bien qu’elle soit fortement attentive à l’intérêt public, n’est pas fondée sur les mêmes motivations qu’une entreprise privée, davantage orientée à la satisfaction client.
- Les indicateurs à travers lesquels la fonction publique est évaluée y sont peut-être pour quelque chose et contribuent probablement à ne pas considérer l’usager comme un client.
- La réduction budgétaire et la maîtrise des risques sont deux facteurs qui pèsent fortement dans l’organisation des collectivités. Ils pourraient motiver une fin de non-recevoir quant à la possibilité d’investir dans une stratégie centrée sur l’expérience client.
Mais il serait temps de considérer que le parcours client contribue pleinement à la mission ``publique`` et qu'il participe également à la maîtrise des coûts et des risques.
Et pour cause :
- les usagers mécontents sont deux fois plus susceptibles de recontacter les services responsables à plusieurs reprises, ou d’engager des recours, impactant le service en question et les budgets, sans compter sa réputation.
- a contrario une expérience client satisfaisante se répercute aussi sur l’engagement des agents, et sur la confiance dans les organisations publiques, ce qui n’est pas négligeable en période de crise. Cette donnée ne peut pas laisser indifférent les élus et les dirigeants des structures publiques…
La technologie : une aide précieuse…
L’utilisation des nouvelles technologies comme l’IA, les chatbots, l’assistance vocale, peut sensiblement contribuer à améliorer l’expérience client dans la mesure où elles garantissent plus de fiabilité, de simplicité et de transparence des services.
- Elles facilitent l’accès à l’information, réduisent les risques d’erreurs, et permettent un traitement plus efficient des informations.
- Les nouvelles technologies peuvent également aider à transformer le rôle des agents et employés publics en les libérant des tâches répétitives. Ils sont alors aptes à s’engager sur des missions à plus forte valeur ajoutée : une opportunité pour réaffirmer la finalité et la raison d’être du travail dans le secteur public.
Cependant, la transformation digitale de la fonction publique implique un changement profond des organisations qui nécessite dans la plupart des cas un accompagnement spécifique et un investissement en formation.
Enfin, mettre l’expérience client au cœur de l’action publique, implique une transformation de la culture institutionnelle, un défi qui paraît inévitable face aux mutations actuelles de notre société.
Ce défi peut être relevé avec succès : de nombreux exemples commencent à émerger à travers le monde : comme UDO le chatbot de l’Agence Fédérale pour l’Emploi en Allemagne qui accompagne et rassure les utilisateurs dans leur démarche. Ou Rashid, l’application de Smart Dubaï qui permet de faciliter les transactions avec plus de 50 services liés à 24 agences de l’état, ou encore les services du MOM, le Ministère de l’Emplois (Manpower Ministry), de Singapour … L’une des premières administrations à avoir fait évoluer ses services en utilisant le Design thinking et les données.
Et vous, quelle expérience ``inoubliable`` avez-vous vécu avec le service public ? Racontez-nous votre histoire…
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