« Designer » son entreprise par temps incertains
Dans le monde d’après, définir sa stratégie et l’architecture de son entreprise va déterminer sa résilience… S’il est une qualité que la pandémie met particulièrement en exergue, c’est bien celle de l’agilité. Savoir s’adapter aux aléas imposés par le virus, y accorder ses perspectives, maintenir les emplois, continuer d’assurer le bon développement de son entreprise constitue le défi immense que doit relever le monde des affaires. Pour y répondre, construire et d’adapter sa stratégie en fonction de l’instabilité actuelle, de la rendre réactive aux changements et aux imprévus, devient une nécessité.
Bien comprendre les challenges…
Dans une époque incertaine comme celle que nous traversons, mener à bien l’édification d’une stratégie efficiente signifie prendre d’abord en compte l’environnement dans lequel elle va s’opérer.
De nos jours, on utilise l’acronyme VUCA, que le monde de l’entreprise a emprunté à l’armée américaine, pour désigner un contexte mondial nouveau nécessitant un mode d’action rapide et ciblé limitant les dommages collatéraux.
Ce contexte réunit les quatre particularités suivantes :
- Volatility (volatilité) : l’entreprise doit s’adapter à un environnement en mutation « structurelle » et continue dans lequel il devient de plus en plus ardu de pouvoir déterminer clairement les causes et les effets. Aussi l’entreprise doit adhérer à une dynamique de changement agile et rapide.
- Uncertainty (incertitude) : le manque de visibilité rend toute prédiction hasardeuse et crée un sentiment d’insécurité. L’entreprise doit être à l’écoute pour comprendre les enjeux de ses clients, ainsi que les siens et ceux de l’ensemble des parties prenantes. Structurer les compétences, tester de nouvelles offres et apprendre à interpréter les réactions et les comportements.
- Complexity (complexité) : les écosystèmes et interactions économiques et sociales sont plus que jamais complexes, multicouches. Ce qui les rend difficiles à analyser. L’entreprise doit se concentrer sur la transparence des processus, de l’interdépendance des acteurs, installer un sentiment de confiance.
- Ambiguity (ambiguïté) : le croisement des responsabilités, l’environnement compliqué : autant de raisons qui freinent les initiatives. Le sens a pris le pas sur l’objet de l’entreprise. Dorénavant, celle-ci se doit de clarifier les rôles, d’adopter une approche plus objective, basée sur les données, dans la prise de décision et l’analyse de ses erreurs.
Les tendances du marché actuel
Poser des fondations solides pour une stratégie demande de prendre connaissance du terrain : le marché actuel révèle quatre tendances fortes :
- Les clients, de plus en plus digitaux, plus informés, hyper sollicités, ont un comportement moins prévisible qu’il faut apprendre à déchiffrer.
- Le télétravail s’est massivement imposé et la compétition pour les talents s’est accrue à cause de l’effacement des contraintes géographiques.
- L’agilité d’action et l’efficience de la mise en œuvre deviennent un enjeu capital.
- Être empathique envers ses clients et impliquer ses employés en donnant du sens et une finalité explicite à leur travail sont désormais des valeurs incontournables.
Le plan : définition d'une stratégie agile
La stratégie, par définition, vise à atteindre un objectif donné sur la base d’un plan d’actions cohérentes et rassurer l’ensemble des parties prenantes en fixant des points de repère. Elle fixe le « blueprint », le canvas.
Mais, elle a, aujourd’hui, une finalité de plus : elle doit donner le « sens » de l’action, la « raison d’être » de l’entreprise et clarifier ou créer un langage commun permanent visant à « partager » et accompagner les parties prenantes.
Définir une stratégie, comme dessiner un plan, demande de se rapporter à une échelle, à des mesures, comme les critères de performance, auxquelles on se réfère pour orienter ou réorienter l’action.
Une définition claire de la stratégie est un premier vecteur d’agilité.
Les fondations : les atouts gagnants d'une stratégie
Pour bien ériger il faut bien fonder. Une bonne stratégie s’appuie donc sur cinq éléments :
- Le sens : savoir pour qui et avec qui on élabore cette stratégie, quelles sont les attentes des uns comme des autres.
- La co-construction : ceux qui vont participer à déployer la stratégie peuvent ou doivent participer à la construire.
- La simplicité : chaque cas est particulier mais les fondamentaux doivent être aisé à lire, pour mieux s’en saisir.
- L’approche systémique : porter un regard holistique permet prendre du recul et de ne pas se focaliser sur un aspect au détriment d’une autre.
- Les KPI : ils doivent être bien choisis et implémentés correctement. Ils doivent être peu nombreux mais pertinents.
Le chantier : la stratégie opérationnelle
Mais une stratégie, pour être comprise et réellement agile, doit être pensée avec une perspective très opérationnelle.
Elle doit s’inscrire dans un processus itératif qui doit conduire à la construction d’un modèle « opérant » (qui fait), garant du sens de l’action.
Elle s’organise autour d’actions concrètes qui demandent de comprendre pour qui, et comment créer de la valeur, (re)positionner l’entreprise.
Sur ces bases, on peut construire une structure où chaque fonction (et chaque personne au sein de l’entreprise) répond à un enjeu opérationnel. Où chaque fonction aura une mission claire et ses interfaces (et donc ses interlocuteurs) pourront être définis afin que chacune d’entre elles soit consciente de son rôle et de son périmètre de responsabilité.
Il en sera de même pour les process et les technologies nécessaires. Les équipes pourront alors mieux s’identifier, comprendre de manière plus pertinente leurs missions, ce qui sera porteur de sens sur le plan opérationnel.
Enfin, on décidera de la méthode d’approche en réalisant la roadmap, et en choisissant les indices de performance clé (KPI).
La clé de toute stratégie et entreprise : toujours le client
Apprendre à connaître ses clients, et leur proposer des solutions efficientes qui répondent à leurs « douleurs » ou leurs envies : l’entreprise ne peut plus négliger de mettre la CX (customer experience) au centre de ses priorités.
Une expérience client positive est synonyme de création de valeur.
Plus une entreprise -ou une organisation- compte de clients satisfaits plus elle compte d’ambassadeurs, des clients fidèles et …donc plus de CA et moins de coûts de services client, de marketing…
Les règles de l'architecture : la gouvernance
Sans pilotage n’importe quelle stratégie est vouée à l’échec.
De la présidence aux postes les plus opérationnels, les fondamentaux de la stratégie doivent être partagés, déclinés et incarnés, l’organisation et le périmètre des responsabilités et d’autonomie, explicits et nourris par un flux continuel d’échanges, jalonnés de bilans réguliers entre les parties prenantes.
Les maîtres d'œuvre : le management
Le management demeure trop souvent le talon d’Achille des organisations.
Quand l’environnement change, et les perturbations arrivent, il est en premier ligne. Il doit incarner le sens et conduire les opérations qui permettront la sortie de crise. Pourtant, les managers ne sont souvent pas assez accompagnés dans l’assomption de leur rôle de pivot des organisations.
Si la stratégie doit être centrée client, ce sont les employés avec leur engagement et leur talent qui permettent que l’expérience clients soit excellente.
Afin de structurer des organisations agiles il faut intégrer des modèles de management en mesure d’attirer et retenir les talents, de capter ceux qui viendront accompagner le changement. Les dirigeants et leurs équipes de direction sont appelé à questionner leur style de management et le mettre en adéquation avec les exigences d’agilité de leurs entreprises.
D’autant plus que les périodes d’incertitude agissent souvent comme un « accélérateur » de désintérêt pour les meilleurs talents. Les nouvelles générations, en quête perpétuelle de sens, ne s’engagent pas sans comprendre le « pourquoi ».
Il est indispensable donc que la stratégie de management s’adapte à la réalité d’un contexte intergénérationnel en changement, souvent appréhendé mais pas décliné opérationnellement dans les entreprises.
La question du sens est concomitante à celle de l’autonomie : les talents ont besoin de voir la finalité de leur travail, pour exercer pleinement leurs compétences, leur intelligence critique et être autonomes pour prendre les bonnes décisions dans le cadre des responsabilités qui leur sont confiées.
Il est donc capital de partager les éléments essentiels de la stratégie.
Déléguer de façon appropriée signifie plus d’agilité et de réactivité face aux besoins des clients et aux mutations de contexte.
Les outils : les indices de performances-clés
Pour rendre opérationnelle sa stratégie, il est impératif de savoir choisir les bons outils de suivi. Il est très difficile de déployer une stratégie « résiliente » sans marqueurs qui nous indiquent quand réagir rapidement et de manière ciblée.
Une fois de plus, ce n’est pas le nombre d’indicateurs qui compte mais leur pertinence par rapport aux objectifs. Les KPI doivent remplir trois rôles, et être :
- Stratégiques : ils doivent traduire la manière dont l’activité répond aux objectifs qui lui ont été donnée.
- Mesurables : les KPI sont des données chiffrées, c’est cela qui permet de les comparer et de les analyser.
- Opérationnels : les évolutions de l’indicateur s’expliquent-elles par les évolutions de l’activité opérationnelle ?
Tout au long de la construction d’une stratégie opérationnelle et agile, quelques repères clés pourront guider son bon déroulement :
Garder le cap et toujours s’assurer que le besoin est clairement identifié, partager les objectifs.
Écouter, être attentif : la réponse n’est jamais très loin, et parfois là où on ne l’attend pas…
Simplifier pour mieux partager et ajuster.
Se préparer, car comme le dirait un général de l’armée américaine : « Plus on sue en temps de paix moins on saigne en temps de guerre » !
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